GUSTAVE Voyageur Itinérant Bretonien,

Gustave a été recueilli dans une auberge à l’extérieur de Guisoreux, ville à l’odeur aussi haute en couleurs que les vêtements de ses nobles. Ses parents adoptifs, tenanciers d’une humble gargote, ne pouvaient s’encombrer d’un nourrisson braillard duquel il faudrait s’occuper. Ils le placèrent donc en nourrice chez une tante, qui avait (par chance, si l’on peut dire) perdu son enfant mort-né quelques semaines avant la naissance de Gustave. Gustave fut donc, envoyé vers le centre de Guisoreux, où il trouva une famille adoptive pas forcément pire que la sienne propre : Marie, sa nouvelle mère buvait et le battit comme plâtre pendant toute son enfance et Robert, son nouveau père, était un escroc notoire qui roulait dans la farine ses congénères et n’avait cure des rejetons, qu’ils soient les siens ou pas. Gustave grandit parmi 5 filles, toutes ses aînées. Elles tentaient vainement de le protéger des gifles de Marie, et s’occupèrent tant et si bien de lui que Gustave ne considérera jamais la femme comme mauvaise, mais parfois presque comme une égale de l’homme. Robert se souvînt de l’existence de Gustave quand il alla sur ses 5 ans. Comme ses vrais parents ne réclamaient pas sa présence parmi eux, Robert décida de mettre l’enfant à contribution. Il allait voler pour subvenir aux besoins de la famille. Tant qu’il déroberait assez, il serait toléré dans la maison… Quelques coups de ceinturon plus tard, le petit Gustave obtempéra… Il vola principalement de la nourriture, mais au fil des mois, Robert en voulait toujours plus… Alors le petit d’homme, bravant mille périls, commença à détrousser les passants. C’est ainsi qu’il rencontra Fernand, un orphelin de son âge, réduit à la cambriole, tout comme lui. Gustave l’enviait. Fernand était libre, Fernand volait pour lui et personne ne récupérait le fruit de ses larcins. Ainsi, comprenant rapidement ce désir, Fernand poussa Gustave à prendre une forme d’indépendance et lui proposa une association… De malfaiteurs, il va de soi. Avec un immense pincement au cœur, il fit en secret ses adieux à ses cinq sœurs de lait et s’enfuit bien vite de la maison, profitant de l’absence de Robert et Marie. Il retrouva Fernand dans les combles d’un clocher où il avait élu domicile, avec la complicité d’un moine. Les années passèrent, sans grand changement dans les habitudes du binôme. Leur terrain de chasse, la place du marché de la ville, regorgeant de nourriture, d’odeurs exquises et repoussantes, de marchands gras et de belles servantes, ne cessait de leur procurer tout ce dont avaient besoin quatre mains prestes et agiles. Un jour qu’ils s’amusaient, comme à leur habitude, à échanger les enseignes des échoppes (vous devriez voir la tête de ces péquins quand ils entrent dans une boucherie en voulant y commander une serrure…), ils se firent surprendre par un moine dominicain, qui prit la tâche de naissance se trouvant sur la nuque de Gustave pour la marque du démon et voulut l’emmener de force le faire juger. C’était sans compter sur la nature belliqueuse de Fernand, qui allongea rapidement de trois coups de poing le moine, dans une ruelle sombre. Ainsi se passa leur jeunesse. Gustave parlait, Gustave souriait et embobinait, et en cas de problème, Fernand cognait. La plume et l’épée… L’équipe parfaite, en somme ! Et elle dura bien des années. Les deux jeunes hommes partageaient une passion commune : le théâtre. Perchés sur les toits, ils admiraient volontiers les comédiens de rue et imitaient leurs poses et expressions, avant de s’esclaffer bruyamment. Il semblait qu’ils faisaient tout ensemble, et ils tombèrent même amoureux ensemble, alors qu’ils venaient de fêter leur dix ans de “coopération” (ils en avaient alors dix-huit)… D’une jeune comédienne aux longs cheveux de jais et à la peau dorée… Ah, par tous les Dieux, qu’elle était belle ! Ils la courtisèrent tous deux et leur relation devint tendue. Il ne peut y avoir qu’un seul gagnant, et la belle choisit Gustave, pour sa langue bien pendue et les égards dont il gratifiait la demoiselle, au détriment de Fernand, qui disparut sans laisser de trace. La mort dans l’âme, le cœur meurtri, il laissa repartir la comédienne et sa troupe sur ses chemins, après l’avoir follement aimée quelques jours… Seul, il était maintenant plus seul que le soleil dans le ciel, car dorénavant, plus personne ne brillerait pour lui. Il hésita alors à continuer seul la cambriole, sans “protecteur” sachant se battre pour le chaperonner… Il devint alors l’apprenti d’un barbier, François Grenouille, qui le forma au métier. Il ne savait quels moments étaient les plus jouissifs : la satisfaction d’une taille brillamment exécutée ou l’exaltation d’une opération de fortune dans des conditions exécrables ? Le métier lui plaisait, cela était sûr… Mais pourrait-il en faire son gagne-pain ? Peu après sa formation, il se mit en quête d’un patron, n’ayant pas assez d’argent pour monter sa propre échoppe. Mais, après avoir été refusé plusieurs fois, rapidement dépité, il retomba dans la rapine. Il décida d’offrir ses services au tout-venant, et un de ses nombreux emplois lui causa un énorme souci : trois gaillards le payèrent un soir pour monter la garde au coin d’une ruelle et les avertir si le guet venait à passer. Ils prétendaient vouloir enlever la maîtresse de l’un d’entre eux. En fait, ils montèrent un guet-apens et assassinèrent un gentilhomme presque sous les yeux d’un Gustave horrifié. Ce dernier, adoptant sa technique favorite, la fuite, se fit voir de badauds, et le voilà bien vite recherché par les autorités ! Quel autre choix pour lui que de fuir la cité ? Il marcha seul sur quelques lieues avant de tomber sur un groupe de pèlerins, avec lesquels il sympathisa. Il s’avéra que ces gens étaient tout sauf des pieux personnages, puisqu’ils vagabondaient ça et là en profitant du bon cœur et du bon couvert de leurs “victimes”. Leur chef se nommait Alexandre, un ancien comédien qui se faisait passer pour alchimiste et qui vendait dans chaque village des potions censées faire repousser les cheveux et les dents… Bien entendu, Alexandre n’étant pas bête, il prescrivait une application de la potion échelonnée sur 4 semaines. Donc, il arrivait à écouler quatre potions (une pour chaque semaine) à chaque malheureux acheteur et avait largement le temps de s’éclipser, en un mois… Gustave fut rapidement embauché dans la troupe. Il s’occupait de recueillir les ragots et les informations ou de les semer, le plus discrètement possible, bien sûr. Ensuite, les faux pèlerins pouvaient faire chanter qui ils voulaient, et ce, très facilement… Cette vie de coquin dura quelques années, où on alternait périodes de jeûne forcé, qui renforçaient l’apparence de pauvres pèlerins et augmentaient la pitié des victimes presque consentantes, avec des périodes où l’on festoyait comme des rois, jusqu’à s’en éclater la panse ! Jusqu’à cette triste aventure… Un jour qu’il écouta de trop près les affaires d’un Grand, on monta une affaire pour empêcher Gustave d’écouter en rond. Le voilà tout soudain accusé d’avoir dérobé cinquante écus à ce Grand personnage, dont Gustave ne prononcera plus jamais le nom, par peur des représailles. Le voilà attrapé, battu, et enchaîné en attente d’un prompt jugement. Les faux pèlerins levèrent rapidement le camp, de peur d’être mêlés à cette sombre histoire. Les jours passèrent, et Gustave se languissait de ses compagnons dans sa triste geôle. Il en profita pour réfléchir et décida qu’il était temps d’arrêter ces fadaises : il lui fallait trouver un emploi stable et tâcher de gagner sa vie honnêtement. Il n’avait jamais été pieu, avant, mais dans l’obscurité de sa prison, il pria, oui, il pria la bonne Dame du lac pour une libération, afin qu’il puisse se racheter de ses fautes. Il fut exaucé, mais pas dans le bon sens : il fut effectivement libéré, faute de juge présent ; le Grand personnage consentit à retirer sa plainte, et autorisa sa libération, mais ce n’était que pour mieux le réduire à un silence éternel. A peine sorti de sa geôle, voilà que Gustave se fit courser par vingt hommes à la mine patibulaire, le braquemart à la main et ayant comme ferme conviction de l’occire. Commença alors un jeu de cache-cache impressionnant : jouant tour à tour le rôle de paysans, de marchands, d’un serviteur, d’un moine et d’un percepteur, il échappa à ses poursuivants, souvent in extremis, mais toujours en utilisant sa tactique préférée : la fuite. Un jour, il tomba par hasard sur un grand et ténébreux seigneur : Thomas de Bretteville. Se renseignant un peu sur cet homme, pour lequel il éprouva de la sympathie dès le premier regard, il apprit ses manières, ses habitudes et ses penchants… Et il lui vint une idée, qu’il fallait illico presto mettre en pratique : ses poursuivants le talonnant encore… Il inventa alors une abracadabrante rumeur, qu’il s’empressa de communiquer à Bretteville. Cette rumeur, ayant pour sujet la sottise du même Thomas de Bretteville, Gustave la communiqua au jeune nobliau de bonne grâce, et se proposait même de la faire taire rapidement, sans demander autre chose que d’entrer à son service, en tant que barbier, le seul métier qu’il savait effectuer. De Bretteville refusa, bien entendu. Et la rumeur se propagea… Bientôt, le supposé manque d’intelligence de Thomas de Bretteville fit le tour des salons et se propagea (selon Gustave) à toute la ville… Enervé, De Bretteville se mit à la recherche de l’ignoble maraud qui était la source de cette calomnie, mais Gustave vint le trouver et lui expliqua, avec force conseils, caresses, et enjolivements de son auguste personne, que lancer une contre-rumeur serait une plus sûre façon d’étouffer la rumeur que de tuer le diffamateur… Pendant le temps ou Gustave devait lancer ces ragots, il s'enfuit loin très loin, là ou les nobles de Bretonnie ne viendrait jamais le chercher dans les profondeurs de l'empire. Gustave passa quelques années sur les routes, des rêves hantent ces songes... Un semble plus persistant que les autres ou il se voit à l'aube traverser une forêt pour s'approcher d' un lac recouvert de brume.

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